Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/163

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hier… J’étais jolie, jolie… Je vous aurais fait honneur. J’avais la coiffure que vous aimez. J’espérais vous voir quand même. On m’a présenté ce jeune homme qui est l’auteur de la pièce. Le pauvre garçon est venu me mettre des cartes. Il ne savait pas mes heures, et il est monté. Ah ! Vous lui avez rendu un fier service en le débarrassant de sa corvée. Il n’osait plus s’en aller… »

— « Vous voyez bien que j’avais raison de désapprouver cette soirée, » dit le baron, « et voilà un nouvel homme de lettres dans le monde ! Il est venu chez vous. Il ira chez telle ou telle de vos amies. Il reviendra. On l’invitera. On parlera devant lui, comme devant vous ou devant moi, sans réfléchir qu’au sortir de votre maison il s’en ira, par vanité, entretenir quelque bureau de rédaction, ou quelque café, des potins qu’il aura surpris ainsi… Et puis les femmes du monde s’étonneront de se trouver toutes vives imprimées dans quelque chronique à scandale ou dans un roman à clef ! … Les écrivains dans les salons, c’est une des plus sottes manies de la soi-disant société d’aujourd’hui. Nous leur faisons du tort en leur prenant leur temps, ils nous font du mal en nous diffamant. On me racontait ce joli mot, l’autre jour, de la fille d’un des confrères de ce monsieur qui aide son papa dans ses livres : — Nous n’allons jamais dans le monde