Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/170

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il serra la main de Desforges, la plus sincère sympathie se reconnaissait. Après avoir ri gaiement du mot de Suzanne, il ajouta, s’inclinant avec une gravité plaisante :

— « Suis-je de trop, Madame, et dois-je me retirer ? »

— « Voulez-vous du thé ? » répondit simplement Suzanne, « je vous avertis qu’il doit être froid. Merci oui, ou merci non ? »

— « Merci non, » fit Moraines en se laissant tomber sur un des fauteuils, et, comme un visiteur qui se prépare à produire un effet, il jeta cette parole : « Il y a vraiment des maris trop bêtes, et je rougis pour la corporation… Vous connaissez l’histoire de Hacqueville, qu’on m’a racontée au cercle ? » et, avec une visible joie : « Non ? … Eh bien ! Il ouvre par hasard, ce matin même, une lettre adressée à sa femme, et qui ne lui laisse aucun doute sur la vertu de la dame… »

— « Pauvre Mainterne, » s’écria Suzanne, « il aimait tant Lucie ! »

— « Voilà le beau, » reprit Moraines avec l’accent de triomphe du conteur qui va étonner son auditoire, « c’est que la lettre n’était pas de Mainterne, elle était de Laverdin ! … Lucie attelait à deux… Et devinez à qui Hacqueville va porter la lettre et demander conseil ? »

— « À Mainterne, »