Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/200

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— « Demain, je ne peux pas, » fit-il, « ni après-demain, mais le jour d’après… »

— « Mardi, alors ? C’est convenu. Et à ce soir, chez madame de Sermoises, n’est-ce pas ? »

— « La charmante femme ! » songeait le baron demeuré seul. « Elle pourrait avoir tant d’aventures ! et elle ne pense qu’à me plaire. »

— « Après-demain donc, » se disait Suzanne en longeant le trottoir de la rue du Mont-Thabor, et jetant avec précaution ses regards de l’un et de l’autre côté, avec tant d’art qu’elle paraissait ne pas remuer ses yeux, « je suis bien sûre d’être seule… Mais quel prétexte donner à René (elle l’appelait déjà de ce nom dans sa pensée) pour le faire venir ? … Bon ! quelques vers à copier pour une dame sur un exemplaire du Sigisbée. » Elle passait rue Castiglione, devant une boutique de libraire. Elle entra pour acheter la brochure. Elle était dans un de ces instants où l’exécution suit le projet avec une rapidité presque mécanique : « Pourvu qu’il ne commette pas d’imprudences jusque-là ? Pourvu qu’il continue de m’aimer et que personne ne lui dise du mal de moi ? » Elle se représentait de nouveau Claude : « Ah ! c’est là encore un danger, » pensa-t-elle, et elle aperçut aussi le moyen de l’éviter, pourvu qu’elle vît René auparavant. Elle réfléchit qu’elle ne savait pas l’adresse du jeune