Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du plus franc naturalisme et du plus technique, une de ces luttes contre le métier qui paraissent avoir été la principale préoccupation de Léonard. N’aurait-il pas voulu saisir cette chose insaisissable, une physionomie en mouvement, et peindre ce qui n’est qu’une nuance aussitôt disparue, le passage de la bouche sérieuse au sourire ? Toujours est-il que René, enfantinement fier que son nom ressemblât au nom du village qui sert à désigner le plus subtil des maîtres de la Renaissance, avait condensé là en trente strophes une philosophie entière de la nature et de l’histoire. Il aurait donné, pour ce pot-pourri symbolique, toutes les scènes du Sigisbée, qui n’étaient que naturelles et passionnées, — deux qualités bonnes pour les badauds ! Quel fut donc son ravissement d’entendre la voix de madame Moraines lui dire :

— « Si je me permettais d’avoir une préférence, je crois que c’est la pièce qui me plairait davantage… Comme vous sentez les arts ! C’est avec vous qu’il faudrait voir les chefs-d’œuvre des grands peintres. Je suis sûre que si j’allais au Musée en votre compagnie, vous me montreriez dans les tableaux tant de choses que je devine, sans les comprendre… J’ai fait souvent de longues séances au Louvre, mais toute seule. »

Elle attendit. Depuis que René avait commencé