Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/245

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debout sur une de ses jambes et avançant ce pied soi-disant malade, elle le remua dans sa souple bottine, avec un gracieux effort. « Dix minutes de repos, et il n’y paraîtra plus, mais il faut que vous me serviez de bâton de vieillesse… »

Elle prononça ce triste mot avec sa bouche jeune, et elle prit le bras du poète qui l’aida presque pieusement à marcher, sans se douter que cet accident imaginaire n’était qu’un petit épisode de plus dans l’amoureuse comédie où il jouait son rôle, lui, de bonne foi. Elle avait soin de s’incliner un peu, pour que cette légère pesée de son corps redoublât en lui l’ardeur du désir, pour que sa gorge frôlât le coude du jeune homme et le fît tressaillir, pour que cette sensation du mouvement communiqué achevât de le griser. Et ce manège réussit trop bien. Il ne pouvait même plus parler, envahi qu’il était, pénétré, possédé par la présence de cette femme dont il respirait maintenant, d’une manière plus distincte, l’imperceptible parfum. À peine s’il se hasardait à la regarder, et il rencontrait alors, tout près de lui, ce profil, à la fois mutin et fier, cette joue comme idéalement rosée, la pourpre vive de ces lèvres sinueuses qu’un joli sourire de tendre malice plissait par instants, puis, quand leurs yeux se croisaient, ce sourire se changeait