Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

elle m’aurait chargé de passer à la Morgue… Et je lui disais : René a été retenu à déjeuner et à dîner… Allons, père Offarel, à vous de donner. »

— « J’ai dû faire une visite à la campagne, » répondit René, « et j’ai manqué le train, voilà tout. »

— « Comme il sait mal mentir ! » se dit Émilie qui se surprit admirant son frère de cette maladresse, signe d’une habituelle droiture, comme elle l’eût admiré d’être adroit jusqu’au machiavélisme.

— « Je vous trouve l’air un peu pâlot, » dit madame Offarel agressivement, « est-ce que vous êtes souffrant ? »

— « Ah ! monsieur René, » interrompit Rosalie avec un timide sourire, « voulez-vous que je vous fasse une place ici, je vais ôter le chapeau de père. »

— « Donne-le-moi, » dit le vieil employé en avisant un coin libre sur le buffet, « il sera plus en sûreté ici. C’est mon numéro un, et la maman me gronderait s’il lui arrivait malheur. »

— « Il y a si longtemps qu’il est numéro un ! … » s’écria Angélique en riant : « Tiens, papa, voilà un vrai numéro un, » et la rieuse prit le chapeau de René qu’elle fit reluire à la lampe en montrant à côté le couvre-chef du bonhomme dont la soie