Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/283

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dit, pour la taquiner, et en grossissant encore sa voix ?

— « Si j’étais un mari jaloux, je croirais que vous avez reçu une lettre de votre amoureux, tant vous avez l’air contente, Madame… Et si tu savais comme ça te va, » ajouta-t-il, en lui baisant le bras au-dessus du poignet, son bras si frais dont la peau dorée était encore toute tiède et toute parfumée de son bain.

— « Hé bien ! Monsieur, vous auriez raison, » répondit-elle avec un sourire malicieux. C’est un plaisir divin pour les femmes que de dire avec ces sourires-là des vérités auxquelles ne croient pas ceux à qui elles les disent. Elles se donnent ainsi un peu de cette sensation du danger qui fouette délicieusement leurs nerfs.

— « Est-il gentil au moins, ton amoureux ? » reprit Paul, donnant tête baissée et avec verve dans ce qu’il jugeait être une plaisanterie.

— « Très gentil… »

— « Et peut-on savoir son nom ? »

— « Vous êtes bien curieux. Cherchez. »

— « Ma foi non, » dit Paul, « j’aurais trop à faire. Ah ! Suzanne, » ajouta-t-il avec un sentiment profond, et en changeant d’accent tout à coup, « comme ça doit être cruel de se défier ! … Me vois-tu jaloux de toi, et, là-bas, à mon bureau, avec cette idée qui me rongerait toute la