Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour elle n’était plus exprimable avec des mots ! Il avait trouvé, presque tout de suite, dans la silencieuse et bourgeoise rue des Dames, et au milieu du quartier des Batignolles, indiqué par Suzanne, le petit appartement désiré. Presque tout de suite aussi, les circonstances s’étaient arrangées pour qu’il fût libre de voir Suzanne uniquement. Il n’y avait pas huit jours qu’elle était sa maîtresse, et Claude Larcher, le seul de ses confrères qu’il fréquentât beaucoup, quittait Paris. René, qui l’avait négligé ces derniers temps, le vit arriver rue Coëtlogon vers six heures et demie du soir, en costume de voyage, pâle et défait, avec sa physionomie des mauvaises crises. On venait de se mettre à table pour le dîner.

— « Le temps de vous serrer la main, » dit Claude sans s’asseoir, « je prends l’express du Mont-Cenis à neuf heures, et je dois dîner à la gare. »

— « Vous resterez longtemps absent ? » interrogea Émilie.

— « Chi lo sa ?  » fit Claude, « comme on dit dans cette belle Italie où je serai demain. »

— « Voyez-vous ce chançard, » s’écria Fresneau, « qui va pouvoir lire Virgile dans sa patrie au lieu de le faire traduire à des ânes ? »

— « Très chançard, en effet ! … » dit avec un