Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses recherches, la main plus heureuse que son inexpérience ne l’avait fait espérer à Suzanne. Cet appartement se composait de trois chambres assez coquettement meublées par les soins de madame Malvina Raulet, une dame brune, d’environ trente-cinq ans, dont les manières discrètes, la toilette presque sévère, la voix adoucie, les yeux avenants, avaient tout de suite enchanté René. Madame Malvina Raulet se donnait comme veuve. Elle vivait officiellement des petites rentes que lui aurait laissées feu Raulet, personnage chimérique dont elle définissait la profession par cette phrase vague : « Il était dans les affaires. » En réalité, l’astucieuse et fine loueuse du logement meublé n’avait jamais été mariée. Elle était, pour le moment, entretenue par un homme sérieux, un médecin de quartier, père de famille, qu’elle avait enjôlé avec son air distingué et sans doute par de secrètes séductions, au point d’en tirer cinq cents francs par mois, payés le premier et d’une façon fixe, à la manière d’un traitement de fonctionnaire. Comme elle était avant tout une femme d’ordre, elle avait imaginé d’augmenter ce revenu mensuel en détachant de son appartement, beaucoup trop vaste pour elle, trois pièces dont l’une pouvait servir de salon, une autre de chambre à coucher, la dernière de cabinet de toilette. L’existence de