Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/349

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d’autres boîtes, les longues épingles dites de tragédie miroitaient dans les coupes ; les pattes de lièvre, rouges de fard, se mêlaient aux houppes énormes, aux crayons noirs, aux petites éponges pour le blanc. L’actrice pouvait voir qui entrait dans la vaste glace dont s’ornait le mur au-dessus de cette table. Elle reconnut l’auteur du Sigisbée, et se retournant à demi pour lui montrer ses mains pleines de vaseline et s’excuser ainsi de ne pas les lui tendre, elle lui jeta un regard qui fit comprendre à René combien Claude avait eu raison de ne pas revenir sans parlementaire préalable.

— « Bonjour, vous… » dit-elle. « Sans reproche, j’aurais pu vous croire mort… Je vois à votre mine que vous avez été seulement trop heureux… Je vous joue demain, vous savez… Asseyez-vous, si vous trouvez de la place… » Et, avant que René eût pu répondre un mot, elle s’était retournée vers Salvaney : « Après tout, je veux bien… Venez me prendre à midi. Aline sera là, et nous irons déjeuner tous trois avant cette visite… »

Elle jeta un second regard du côté de René, après avoir parlé. Les coins de sa bouche se rabaissaient ; son charmant visage prit soudain la plus implacable expression de cruauté. C’était un défi lancé à Claude, à travers son ami le plus