Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/38

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minutes plus tard les paupières qui voilaient ses yeux se déplièrent, elle regarda du côté de René, et son aiguille trembla entre ses doigts en suivant le dessin qui indiquait la préparation de la broderie. Elle pencha sa tête davantage encore, et ses cheveux châtains brillèrent sous la lampe. Rien de ce petit manège n’avait échappé à Claude. Il connaissait de longue date les habitudes et les caractères de ces dames Offarel, — comme disait Fresneau avec une formule toute provinciale. Elles avaient dû venir dès sept heures, aussitôt après leur dîner pris dans leur appartement de la rue de Bagneux, tout auprès. Le père Offarel les avait amenées ; il avait gagné de là le café Tabourey, au coin de l’Odéon, et il y lisait avec conscience tous les journaux. Claude n’avait pas eu beaucoup de peine à deviner que la vieille madame Offarel nourrissait le rêve d’un mariage entre Rosalie et René ; il soupçonnait son jeune ami d’avoir encouragé cette espérance par un goût instinctif pour le romanesque, et il ne doutait pas que Rosalie ne se fût prise, elle, plus sérieusement qu’il n’aurait fallu, à l’attrait de l’esprit et de la jolie physionomie du poète. Il sentait si bien que la jeune fille l’aimait et le redoutait à la fois, lui, Claude Larcher. Elle l’aimait parce qu’il était dévoué à René ; elle le redoutait parce qu’il entraînait ce dernier dans un