Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/419

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au poète qui s’était levé en même temps qu’elle… « Voulez-vous venir dans le petit salon, nous y serons mieux pour causer. »

Quand ils furent assis tous deux sur le canapé de cette étroite antichambre, elle lui dit à voix haute :

— « Y a-t-il longtemps que vous n’avez vu notre amie madame Komof ? » Puis, à voix basse : « Qu’as-tu, mon amour ? Que se passe-t-il ? »

— « Il y a, » répondit René en étouffant sa voix, « que je sais tout, et que je suis venu vous dire que vous êtes la dernière des femmes… Ce n’est pas la peine de me répondre… Je sais tout, vous dis-je, je sais à quelle heure vous êtes allée dans la maison de la rue du Mont-Thabor et à quelle heure vous en êtes sortie, et qui vous y avez retrouvé… Ne mentez pas ; j’étais là, je vous ai vue. C’est la dernière fois que je vous parle, mais vous entendez : vous êtes une misérable, une misérable… »

Suzanne s’éventait tandis qu’il lui jetait ces phrases terribles. L’émotion du coup qu’elles lui portaient ne l’empêcha pas de sentir qu’il fallait à tout prix couper court à cette scène avec cet amant affolé, qui visiblement ne se possédait plus. Elle se pencha du côté de la loge et elle appela son mari :

— « Paul, » dit-elle, « voyez donc si la voiture