Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/427

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des discours infâmes. « Ma foi, » se dit-il, « elles se valent toutes ! … » Il fit encore quelques pas et s’aperçut qu’il avait laissé son cigare s’éteindre. Il le jeta d’un geste presque violent : « Et les cigares sont comme les femmes… » Puis il haussa les épaules, en constatant ce mouvement de puérile humeur : « Frédéric, mon ami, » lui murmura la voix intérieure, « vous avez été une bête et vous continuez… » Il tira un second cigare de son étui, le fit craquer à son oreille, et avisa un bureau de tabac où l’allumer. Le Havane se trouvait par hasard être délicieux. Le baron en aspira la fumée en connaisseur : « J’avais tort, » pensa-t-il, « voilà qui ne trompe pas… »

Cette sensation agréable commença de changer le cours de ses idées. Il regarda autour de lui. Il était en ce moment presque à l’extrémité du boulevard. Les passants allaient et venaient, comme en plein jour. Les voitures filaient, rapides. Le gaz éclairait d’une manière presque fantastique les feuillages nouveaux des arbres. À droite, au fond, la Madeleine dressait sa masse sombre, et le ciel bleuissait, plein d’étoiles. Ce tableau parisien amusa les yeux du baron qui reprit ses réflexions avec un esprit un peu plus rasséréné ; « Ah ! çà, » se demanda-t-il, « serais-je jaloux ? » Il lui arrivait d’ordinaire, quand on citait devant lui un exemple de cette triste passion, de hocher la tête