Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/447

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Mont-Thabor, par l’histoire de l’amie malade… Mais il y croirait. Elle n’admettait pas qu’il n’y crût point. Cela lui était trop douloureux. Sa fièvre de désir et d’angoisse, d’espérance et d’appréhension, fut portée à son comble le lundi matin, tandis qu’elle montait l’escalier de la maison de la rue des Dames. Si René l’attendait, caché comme d’habitude derrière la porte à demi tirée, c’est que son billet avait suffi à le toucher. Elle était sauvée… Mais non. Elle vit cette porte fermée. Sa main tremblait, en glissant la clef dans la serrure. Elle entra dans la première chambre, qui était vide et les volets clos. Elle s’assit dans l’ombre de cette pièce dont chaque détail lui parlait d’un bonheur si récent, — si lointain ! C’était le salon d’une bourgeoise rangée, avec des fauteuils et un canapé en velours bleu que des carrés de guipure au crochet protégeaient à la hauteur de la tête. Les quelques livres que René avait apportés montraient dans l’étagère leurs dos réguliers et bien époussetés. L’ordre méticuleux de la respectable madame Raulet avait même veillé à ce que la pendule de bronze doré, représentant une Pénélope, fût remontée avec exactitude. Suzanne écoutait le battement du balancier remplir le silence de cette chambre. Les secondes passaient, puis les minutes, puis les quarts d’heure, et René ne venait pas. Il ne