Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/463

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détente dans une émotion plus douce durait jusqu’à la minute où l’idée de Desforges ressuscitait en lui, soudaine. Il le voyait possédant Suzanne. Il disait à Émilie : « Laisse-moi… » Elle lui obéissait dans l’espérance de l’apaiser. Elle partie, il se jetait sur le lit où Suzanne lui avait appartenu, et la jalousie lui tordait le cœur dans sa tenaille brûlante. Ah ! Quelle agonie !

Combien de jours s’étaient écoulés ainsi ? À peine sept, mais qui lui avaient paru infinis, comme sa souffrance. En regardant le calendrier, vers le matin du huitième, il vit que la fin du mois de mai approchait. Les habitudes de régularité bourgeoise qui avaient toujours présidé à sa vie le décidèrent, bien que la démarche lui fît horreur, à se rendre jusqu’à l’appartement de la rue des Dames. Il voulait régler le compte de la propriétaire et donner congé. Il choisit l’après-midi pour cette visite, afin d’être bien sûr qu’il ne rencontrerait pas Suzanne. « Comme si elle ne m’avait pas déjà oublié… » se disait-il. Que devint-il, en trouvant, sur la table du petit salon, non seulement le mouchoir et les gants, mais un billet plié, avec cette suscription : « Pour M. d’Albert, » qu’elle avait laissé là, au cours d’une seconde visite ? Il l’ouvrit, ce billet, avec des mains si tremblantes qu’il lui fallut cinq minutes pour en lire les quelques phrases, dont