Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/480

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Tandis que ces mots se pressaient au hasard sur sa bouche, René la contemplait. Cette histoire de l’honneur de son père ainsi sauvé n’était qu’un nouveau mensonge ; il le comprenait, il le voyait. Mais ce dernier cri, poussé avec une ardeur presque sauvage, n’en était pas un. Et que lui importait le reste ? Il allait savoir si cet amour, la seule sincérité dont elle se réclamât maintenant, aurait la force de triompher de tout ce qui n’était pas lui.

— « Tant mieux ! » répondit-il. « Oui, tant mieux si vous êtes l’esclave d’un infâme passé qui vous accable ! Tant mieux, si cette dépendance à l’égard de cet homme vous fait cette horreur ! … Vous me dites que vous m’avez aimé, que vous m’aimez, que vous ne m’avez menti que pour me garder ? … Cet amour, je vous apporte l’occasion de m’en donner une preuve après laquelle je n’aurai plus le droit de douter. Ce passé, je viens vous offrir de l’effacer à jamais, tout entier, d’un coup… Moi aussi, je vous aime, Suzanne, ah ! profondément ! Ce que j’ai ressenti quand j’ai dû apprendre ce que j’ai appris, voir, ce que j’ai vu, ne me le demandez pas. Si je n’en suis pas mort, c’est que l’on ne meurt pas de désespoir. Je suis prêt cependant à tout oublier, à tout pardonner, pourvu que je sache, pourvu que je sente que vraiment vous