Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/66

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s’étaient ouvertes de nouveau, et il entrait dans le premier salon, meublé avec cette somptuosité composite, propre aux grandes installations modernes, à Paris. Qui en a vu une en a vu cinq cents. Aux yeux du jeune homme, les moindres détails de cet ameublement devaient apparaître comme des signes de l’aristocratie la plus rare, depuis les vieilles étoffes des fauteuils jusqu’à la tapisserie à énormes personnages représentant un triomphe de Bacchus qui se déployait au-dessus de la cheminée. Ce premier salon, de dimension moyenne, communiquait, par une baie largement ouverte, avec un autre salon, beaucoup plus grand, celui-là, et où devaient s’être ramassés déjà tous les invités, à en juger par le brouhaha des conversations. René aperçut cet ensemble d’un regard, avec la surexcitation de facultés que certaines timidités affolantes donnent aux très jeunes gens ; il vit la robe rouge de madame Moraines s’éloigner par la grande baie, au bras d’un habit noir, et devant la cheminée du petit salon, au pied de la tapisserie, la comtesse Komof qui causait au milieu d’un groupe, avec des jeux violents de physionomie et des gestes excessifs. C’était une femme d’un aspect presque tragique, grande, avec des épaules trop minces pour le reste de son corps, des cheveux blancs, un visage aux traits un peu forts et