Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/91

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repris leur éclat presque insoutenable, ses traits se décomposaient et sa grande main remuait, faisant scintiller les pierres des bagues, sans qu’elle s’occupât des personnes assises à sa table, elle si courtoise à l’ordinaire, si soucieuse de plaire à chacun de ses hôtes… L’impression de solitude s’établit chez le jeune homme, plus forte encore que tout à l’heure, et au point d’en devenir douloureuse, soit que l’intensité des sensations eût épuisé ses nerfs, soit que le subit passage de son succès à son abandon momentané lui fût un symbole du peu de valeur qu’offrent les engouements du monde. Parmi les femmes qui l’avaient accablé de flatteries, les unes étaient parties ; les autres avaient tout naturellement pris place auprès de leurs amis habituels. À l’extrémité opposée de la table, il pouvait comme retrouver sa propre image dans l’acteur qui avait joué Lorenzo, le seul qui fût resté à souper avec Colette, et qui, tout raide et droit dans son costume de seigneur, mangeait et buvait de grand appétit sans échanger un mot avec qui que ce fût. Dans cette disposition d’esprit, René se prit à regarder sa voisine dont la grâce l’avait beaucoup frappé durant la rapide rencontre du vestibule. Il ne s’était pas trompé en la jugeant, dès le premier coup d’œil, comme une créature d’une apparence d’aristocratie accomplie.