Page:Bourget - Nouveaux Essais de psychologie contemporaine, 1886.djvu/118

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gulière. Il faut, pour la traduire, tenir compte de deux éléments : le premier, c’est que toute réalité se présente à la réflexion comme quelque chose de touffu et de mouvant qu’il est impossible de saisir en son entier. Il y faut donc découper un fragment afin de le faire passer dans l’art, et le choix du fragment à découper ainsi est déterminé par la nature même de l’esprit. Car, et c’est là le second élément du problème, l’instrument de vision et d’analyse varie d’un artiste à l’autre. Il existe, par exemple, un groupe de faits qui s’étiquette du nom de Paris. Assurément il est légitime de voir cette immense ville comme M. Émile Zola dans sa Page d’amour ou son Ventre de Paris, et de peindre, avec l’imagination des masses, les vastes mouvements de la foule dans les vastes quartiers. Il ne l’est pas moins d’apercevoir que derrière cette agitation visible fonctionnent des causes invisibles, et que, par-dessous les mœurs, travaillent les idées. Dans le cerveau de ces hommes qui se hâtent, poussés par la nécessité de gagner leur pain, sous un certain climat et d’après de certaines habitudes, il se remue des conceptions abstraites, ou plus ou moins nettes, ici grossières et là raffinées. Mais ces conceptions sont un Fait, comme