Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/136

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qu’il avait au cœur, et elle avait ajouté, trouvant dans sa sollicitude le seul argument qui pût réduire cet homme si profondément irritable : « La lutte peut être longue. Il vous faut de la force pour m’aider, et vous savez que les émotions vous sont défendues… » — « Je serai calme pour elle et pour vous !… » répondit San Giobbe, et, de fait, quand, un peu après six heures et demie, — le train était en retard, — Nortier entra dans le petit salon du château, le tableau que rencontrèrent de nouveau ses yeux n’offrait pas les signes de tragique inquiétude auxquels sa haine s’attendait. Il avait calculé, cruellement et complaisamment, que Béatrice, frappée au cœur, ne pourrait pas taire son secret. Elle parlerait à sa mère, qui parlerait à San Giobbe. Ou bien ces deux-ci feraient les indignés vis-à-vis de lui, et il avait, dans une des deux enveloppes, montrées la veille à la jeune fille, de quoi les confondre : les photographies d’une dizaine de lettres de l’amant, dérobées, puis remises dans le coffret où Mme Nortier serrait sa correspondance. Ou bien, il les tiendrait sous ses regards, torturés d inquiétude, n’osant pas parler les premiers,