Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/184

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de Saint-Cygne devait bien avoir en tout près de quarante ans, si pas plus. Mais oui. Le temps passe vite ! C’est d’hier qu’elle venait dîner avec François Vernantes et moi, me semble-t-il, mais cet hier remontait à 1883, et, à cette date, elle avait certes vingt-cinq ans. Aujourd’hui elle se trouvait donc à la période climatérique où les êtres passionnés courent le plus grand risque de s’éprendre pour toujours. Ils savent que les saisons leur sont comptées. Ils savent qu’ils n’ont plus qu’une réserve de cœur, — et quelle tentation de la jouer sur la dangereuse carte du dernier amour ! Trop souvent la nostalgie poignante de la jeunesse les amène à choisir, pour l’objet de cet amour suprême, quelqu’un qui n’est pas de leur âge. N’était-ce pas le cas pour la fausse Mme de La Charme ? Je n’eus pas plus tôt entrevu cette explication de son anonymat que je la jugeai irréfutable. Un nouveau roman se dessina devant mon imagination, que j’admis comme réel, sans plus de contrôle : celui de la courtisane amoureuse qui veut à tout prix que son amant nouveau ne soupçonne pas son passé. S’il en était ainsi, que le trouble de la pauvre