Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/190

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pourtant si las qui me reprenait aussitôt, à cause de cette simple rencontre. Chaque fois que je constate de la sorte mon impuissance à rompre en esprit avec cette ville, ensorceleuse et meurtrière comme la Circé de la légende antique, ma mauvaise humeur est grande. Je crois bien que cette impression de mécontentement intime dominait les autres lorsque, rendu à moi -même, je m’échappai de la salle à manger, puis du vestibule de l’hôtel, pour me promener seul au bord de la mer. Il faisait une de ces merveilleuses nuits de l’hiver méridional, où l’atmosphère semble transparente dans le sombre, même sans clair de lune. Les étoiles y brillaient si larges, si pleines, qu’elles éclairaient tout le paysage d’une lueur de féerie. Le ciel étalait au-dessus du cap un dais de velours bleu, et une phosphorescence s’échappait des lames de la mer toutes lourdes, toutes noires, dont la palpitation mourait sur la grève. Les lumières éparses dans les maisons de Rapallo et aux fenêtres des villas de la côte achevaient de donner à ce tableau nocturne le caractère mystérieux que la présence de l’homme, invisible à la fois et révélée, ajoute à la nature. Deux