Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/311

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entre les mains, plus forte que lui, d’une force subtile, agile et, il le comprenait à présent, perverse. L’ami de sa jeunesse, au contraire, était une âme si facile à pénétrer : toute en grands élans, avec des faiblesses enfantines ; — toute en hautes aspirations sans esprit de suite, délicate, mais si mobile, si entraînable, si dominée par ses impressions ! Sa physionomie, restée longtemps plus jeune que son âge, et comme inachevée, disait cela. Il avait de beaux yeux ardents sous un front de lumière, et une sensualité dans la bouche qui, par instants, dégradait sa noble figure… Qu’il eût été, dans ce drame d’adultère, l’être séduit, et elle, l’être séducteur, Michel encore maintenant ne l’admettait pas… Il ne l’admettait pas. Mais il le savait bien. Ce qu’il ne savait pas, en revanche, ce qu’il n’avait jamais essayé de savoir, parce qu’il n’aurait pu assouvir cette passionnée curiosité que par la plus avilissante enquête, c’étaient les rapports de ces deux êtres, lui une fois disparu, dans ce criminel ménage que son mépris leur avait permis. Qu’il se l’était posée souvent, cette autre question : « Sont-ils heureux ? »