Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/313

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trottoir de rue, un regard aussitôt détourné, pas assez tôt pour qu’il n’eût pas eu le temps d’y lire une prière et une douleur… Quelle douleur ? Par contraste, Michel se rappelait sa rencontre avec Jeanne, unique aussi, mais non inoubliable : elle sortait d’un magasin de la rue de la Paix, riant très haut, parlant à une autre femme dont la toilette tapageuse révélait l’excentricité sociale, vêtue elle-même avec cette élégance trop marquée où il y a de l’affichage, de la mauvaise compagnie, un rien de déclassement. Elle était plus jolie encore qu’autrefois, un peu plus forte, avec son même teint éclatant de fraîcheur, ses yeux gais et une audace dans toute sa personne qu’aucune pudeur n’avait fait tressaillir en le voyant. Elle était montée dans une victoria élégamment attelée, en disant certainement à sa compagne : « Tiens, voilà mon premier mari… » Car celle-ci s’était retournée presque aussitôt pour dévisager Gontier… Que prouvait l’antithèse de ces deux rencontres ? Rien. Sinon que dans ce ménage de divorcés, l’homme gardait la honte de l’ancienne trahison envers son ami, et la femme, non… Que prouvait de plus la démarche