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la place de l’autre, et elle en remplit la fonction. Si un Nortier ne s’était pas rencontré pour avoir envie de Malenoue, les briques des tourelles se seraient déjà abîmées dans les douves, des cochons grogneraient dans la cour du château, transformé en ferme dans ses portions solides. Les hêtres séculaires du parc auraient été coupés, les pièces d’eau, où les cygnes glissent si noblement en hérissant les plumes de leurs ailes, auraient été desséchées. Ces deux cents hectares de bois auraient été morcelés en un millier de champs de luzerne et de pommes de terre. Tout ce vallon, auquel la pauvreté du sol a fait donner jadis ce surnom de Malenoue, — du vieux mot patois « noue », la « nava » des Espagnols, qui signifie prairie, — offrirait le triste spectacle d’une culture mercenaire et de maigre rapport, au lieu qu’il forme autour du précieux manoir la plus délicieuse oasis, en été de fraîcheurs ombreuses et vertes, en automne de splendeurs pourprées et dorées. J’ai dit que deux couples en parcouraient les allées par cette tiède matinée d’octobre. C’était Mme Nortier et son toujours fidèle ami San Giobbe d’une part, Béatrice Nortier