Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/82

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d’Angleterre, en prévision des chasses, et pas une seconde la fièvre froide de sa vengeance, toute proche, n’avait cessé de lui brûler le cœur et de mettre au fond de son regard cet intense et fixe éclat qui révélait un éréthisme de haine exalté jusqu’à l’inhumanité. Peut-être, car il n’existe pas de nature absolument impitoyable, le secret remords du crime moral qu’il se préparait à commettre se mélangeait-il, chez Nortier, au sauvage appétit de cette vengeance, pour l’exaspérer. Il n’allait pas se contenter d’imposer à la pure et douce Béatrice un mariage abominable, où elle ne pouvait rencontrer que le malheur. 11 était résolu, on le verra, à faire pire encore. Il voulait porter à cette enfant, pour atteindre, à travers elle, la mère et le vrai père, un de ces coups qui ne relèvent pas des tribunaux d’ici-bas, mais qui n’en sont pas moins de véritables assassinats. Le sang n’y coule point. Le fer n’y brille point. C’est un meurtre pourtant, et que le meurtrier sent tel, alors même qu’il agit, comme celui-ci, avec la pleine sécurité d’un homme qui sait n avoir rien à craindre des autres hommes et qui ne croit pas à un autre monde. Oui,