Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/116

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le téléphone entre le yacht et le télégraphe, et en avant le câble avec New-York, avec Chicago, avec Frisco, avec MarionvilIe ! … Nous allons lui dire bonjour, et puis je vous montrerai le yacht. Il est assez joli, mais c’est déjà un vieux modèle. Il a au moins six ans. M. Marsh en fait construire un à Glasgow qui battra celui-ci et beaucoup d’autres. Il jaugera quatre mille tonnes. La Jenny n’en a que dix-huit cents ! … Mais voici mon oncle… »

Les deux jeunes gens avaient, sous la conduite de miss Florence, traversé le pont du bateau, avec son plancher aussi net, ses cuivres aussi polis, ses meubles de paille brune capitonnés d’étoffes aussi fraîches, sa jonchée de tapis d’Orient aussi précieux que si ce parquet, ce métal, ces fauteuils, ces carpettes avaient appartenu, à quelqu’une des villas éparses sur la côte, et non pas à ce yacht éprouvé par toutes les houles de l’Atlantique et du Pacifique. Et, de même, le salon où les introduisit la jeune fille n’aurait pas offert un spectacle différent à Marionville, au quinzième étage d’une de ces colossales bâtisses d’affaires qui dressent, le long des rues, leurs démesurées falaises d’acier et de briques. Trois secrétaires étaient assis à trois bureaux. Un d’eux copiait des lettres en faisant courir ses doigts agiles sur le piano d’une machine à écrire, un autre transmettait une dépêche par téléphone, le troisième sténographiait sous la dictée du même petit homme trapu à face grise que Corancez avait montré la veille à