Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/253

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mécontente… » Du moins, c’est la traduction involontaire qu’Hautefeuille donna dans sa pensée à ces quelques mots, et il fut reconnaissant à Corancez qui s’approchait et lui épargna ainsi de répliquer. Le train s’ébranlait de nouveau, laissant le passage libre aux piétons, et le Méridional arrivait, la main tendue, la lèvre souriante :

— « Bonjour, Olivier… Tu ne me reconnais pas ? … Corancez, ton voisin de rhétorique. Si Pierre m’avait fait savoir que tu étais dans ce train, nous aurions voyagé ensemble et taillé une de ces bavettes ! … Tu as une mine superbe et toujours vingt ans… Veux-tu me présenter à ta femme ? … »

— « Je ne l’avais pas reconnu, en effet, » disait Olivier cinq minutes plus tard dans la voiture qui les emmenait maintenant, sa femme, Hautefeuille et lui, vers l’hôtel des Palmes. « Il n’a pas changé, pourtant. C’est l’homme du Midi avec toute sa familiarité, intolérable quand elle est sincère, ignoble quand c’est une comédie. Parmi les choses odieuses de notre pays, il y a le choix, la plus odieuse est, je crois, l’ancien camarade de collège. Parce qu’on a été forçats ensemble dans un de ces bagnes sans eau qu’on nomme un lycée français, on s’appelle par son nom tout court, on se tutoie… Tu le vois souvent ici, Corancez ? »

— « Il a l’air de vous aimer beaucoup, monsieur Hautefeuille, » dit la jeune femme : « Il vous a sauté au cou en descendant du train, comme Olivier… »

— « Il est un peu démonstratif, » répondit