Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/309

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— « Ce n’est pas sa maîtresse, » avait repris Hautefeuille, « c’est sa femme. Il vient lui-même de me demander de te le dire. Je t’expliquerai tout plus tard. »

Et Pierre avait continué, racontant en deux mots hâtifs l’extraordinaire mariage secret, — et la tyrannie de Navagero sur sa sœur, et la résolution de celle-ci, et leur départ à tous sur le yacht, et la cérémonie dans le vieux palais Génois. Il avait choisi, pour faire ce récit à son ami, le moment où, dans le vestibule du restaurant, Berthe était à quelques pas d’eux son manteau et son voile, tandis qu’eux-mêmes déposaient leurs pardessus aux mains du chasseur. C’était le premier instant où elle les eût laissés seuls depuis la descente du train, et elle semblait se complaire à le prolonger. Ni l’un ni l’autre ne prenait garde à l’attention avec laquelle elle les observait qui causaient, d’autant plus vivement qu’un orchestre de tsiganes jouait tout auprès, couvrant leurs voix. Et quand la jeune femme se rapprocha :

— « Avec tout cela, tu n’as pas eu le temps de voir Gênes ? » demanda Olivier, changeant à moitié de conversation. Mais comment Berthe n’aurait-elle pas cru qu’ils en changeaient tout à fait :

— « Rien que d’avoir entendu ce nom, » songeait-elle, « et voilà comme il est troublé ! … Et quel hypocrite que l’autre ! »

— « Mais si ! » . répondait Hautefeuille. « La mer était trop mauvaise, nous ne sommes revenus que le lendemain. »