Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/314

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Niémen. Je me décidai à traverser le fleuve sur la glace, afin de trouver un gîte comme la veille, car l’on y voyait des habitations.

« Étant sur la digue, j’aperçus, à une demi-lieue sur la droite, un groupe de trois à quatre maisons, où je fus assez bien reçu par les paysans et où je passai la nuit tranquillement. Le lendemain de grand matin, je me mis en route, afin de rejoindre la colonne de l’autre côté de Kowno ; mais lorsque je fus à deux cents pas, je me trouvai, sans y penser, au milieu d’une douzaine de Cosaques qui, sans me faire du mal et sans même penser à me désarmer, me firent marcher devant eux, et précisément dans la direction où je voulais aller. J’étais prisonnier, et ne pouvais le croire.

« Après une heure de marche, nous arrivâmes dans un village. Là, l’on me débarrassa de mes armes et de mon argent, et je fus assez heureux pour sauver quelques pièces d’or cachées dans la doublure de mon gilet. Je me débarrassai de mon schako, pour me couvrir la tête d’un bonnet de peau de mouton noir que voilà. Je remarquai que les Cosaques étaient chargés d’or et d’argent et qu’ils ne faisaient pas beaucoup attention à moi ; aussi je me promis bien de profiter de la première occasion pour m’échapper.

« Il pouvait être dix heures quand nous partîmes du village. Nous rencontrâmes un autre détachement de Cosaques, escortant des prisonniers, dont quelques-uns étaient de la Garde impériale, qui avaient été pris en sortant de Kowno. Je fus joint à ces derniers.

« Nous marchâmes en nous arrêtant souvent, jusqu’à environ trois heures. Je remarquai que le conducteur était embarrassé, ne connaissant pas le pays. Avant qu’il fût nuit, nous arrivâmes dans un petit village, où l’on nous fit entrer dans une grange et où nous passâmes tous à une visite très minutieuse. Je tremblais pour mon or, j’en fus quitte pour la peur.

« À peine avait-on fini de nous fouiller, que j’entendis crier mon nom par un prisonnier que je ne connaissais pas ; je répondis : « Présent ! » Un autre prisonnier, à l’extrémité, répondit la même chose. Alors, m’avançant dans la direction dont la voix était partie, je demandai qui s’appelait Dassonville : « Moi ! » me répondit mon frère que vous voyez