Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/324

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tête de mon côté, mais, comme il voit que je me dispose à recommencer, il fait demi-tour et se sauve en beuglant. Ceux qui nous suivent en font autant, et nos chevaux font le même mouvement, de sorte que nous voilà, à notre tour, à la suite des Cosaques qui se sauvent à tous les diables en recevait quelques coups de fusil des hommes de chez nous, dont nous faillîmes être attrapés.

« J’aperçois un chemin à droite : nous y entrons, un Cosaque y était déjà. En nous voyant, il ralentit le pas, s’arrête et nous parle un langage que nous ne comprenons pas : je lui assène un violent coup de sabre sur la tête, et je crois que je l’aurais partagé en deux, sans un bonnet de peau d’ours qui le coiffait. Étonné de cette manière de répondre, il se sauve, mais, comme il est meilleur cavalier que nous, nous le perdons de vue. Un quart d’heure après, nous arrivons de l’autre côté du bois : là, nous apercevons encore notre Cosaque qui, en nous voyant, part au galop, mais nous n’avions pas envie de le suivre. Nous côtoyons le bois jusqu’à son extrémité, ensuite nous louvoyons jusqu’au soir, pour retrouver la vraie route, et c’est avec bien de la peine que nous arrivons ici.

« Maintenant, acheva le sergent, il faut nous reposer un peu, et partir, car, au jour, on pourrait nous donner le réveil. »

Alors chacun de nous s’arrangea pour prendre un peu de repos, pendant que six hommes de la garnison de Kowno, six soldats du train bien portants, s’offrirent volontairement pour veiller, chacun à leur tour, à la porte de la grange.

Il n’y avait pas une heure que nous reposions, lorsque nous entendîmes crier « Qui vive ? » Un instant après, un individu entre et tombe de tout son long. Aussitôt, les hommes qui étaient le moins fatigués se levèrent pour le secourir. C’était un canonnier à pied de la Garde impériale qui s’était trouvé au bivouac où j’avais manqué rester. Il avait plus de vingt blessures sur le corps, des coups de lance et de sabre. On demanda du linge pour le panser ; je m’empressai de donner une de mes meilleures chemises provenant du commissaire des guerres. L’un des deux frères, le sergent, lui fit avaler une goutte de genièvre, le vieux chasseur donna de la charpie qu’il tira du fond de