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la terreur en macédoine

trouve une écurie où demeurent en permanence des chevaux.

Des bêtes qui ne payent pas de mine, avec leur face carrée, leur pelage d’ourson, leur échine arquée. Mais infatigables, habituées à la dure, vivant d’une poignée d’herbe, d’une ronce, de rien.

Les hommes du pope les détachent, les sortent et les enfourchent. Ni bridon, ni selle, ni couverte, à cru et les voilà partis d’un train d’enfer.

Comme des bêtes de rêve ou de légende, ils s’en vont, crinière au vent, éperonnés par les cavaliers soufflant, à pleine poitrine, dans les cornes de buffle.

De sauvages mugissements retentissent dans les ténèbres, roulent à travers bois et plaines, et se répercutent dans les vallons aux aspérités des rocs !

De temps en temps, une chaumière apparaît.

Un coin de vitre où tremblote une lumière. La porte s’ouvre. Des voix chuchotent.

Un mot de ralliement s’échange…

« Kossovo ! Kossovo !…

— Kossovo sanglant !…

— À Lopat !… frère… à Lopat !… »

Vite !… vite !… un baiser à la femme pâle et résolue. Une caresse nerveuse aux petits éperdus.

Une ombre furtive s’échappe de la chaumière. Une silhouette d’homme s’en va en pleines ténèbres, de son pas infatigable de montagnard.

Les cavaliers se sont dispersés à travers bois, plaines, ravins, chemins et sentiers. Les cornes mugissent. Les cloches des églises tintent lugubrement, à coups précipités. Les chaumières s’allument… les bourgades s’éveillent… le mot de passe court de bouche en bouche.

« Kossovo !… Kossovo !…