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la terreur en macédoine

— Pourquoi pas cinquante ! s’écrie le vieillard, plus exaspéré que jamais.

— Parce que je sais modérer mes demandes.

« Mais puisque tu offres cinquante, va pour cinquante ! »

Un éclat de rire strident échappe au malheureux, un de ces rires qui confinent à la folie et sont plus douloureux que les sanglots.

Puis il s’écrie d’une voix rauque, toute changée :

« Cause toujours ! va… jette au vent des paroles aussi vaines et inutiles que des feuilles sèches… je n’ai plus rien et je t’échappe… car tu ne réussiras pas plus à tirer de moi une obole qu’à peigner le diable qui n’a pas de cheveux ! »

À ces paroles, un accès d’hilarité folle secoue Marko depuis le gland de son tarbouch jusqu’aux éperons qui ergotent ses talons. Il se tord et s’écrie :

« Impayable ! ce Grégorio est impayable !

« Ma parole ! il ferait pouffer de rire un tas de briques.

« Sois tranquille, mon vieux camarade ; je ne tenterai pas de peigner le diable dont le crâne est comme une pastèque !

« Mais il y a ici de jolies diablesses, toutes roses, toutes blondes, et dont l’abondante chevelure est garnie de sequins… de sequins d’or.

« Je n’y porterai pas une main audacieuse… mais tu vas les prier, en mon nom, de te prêter les pièces d’or de leur coiffure… tu les leur rendras quand tes affaires seront en meilleur état.

« Et surtout fais vite… sois éloquent… car ta seconde oreille et au besoin ton nez ne tiennent qu’à un fil. »