« Malédiction !… des fantassins ! » crie Soliman.
Une ligne de tarbouchs rouges surgit d’un fossé. Impossible de passer.
« À droite et à toute vitesse », dit Joannès dont le front se plisse.
En arrière, on entend des hennissements, des clameurs, des coups de feu. L’escadron lancé par Marko à la poursuite des Patriotes gagne ainsi quelques foulées. Par bonheur, les fantassins, ne comprenant rien à ces manœuvres, ne tirent pas.
« En avant !… en avant !… ne cesse de crier Joannès.
« Piquez !… piquez les chevaux… »
Lardés à coups de couteau, les nobles animaux s’emballent, affolés. Cet élan furieux dure un quart d’heure.
Une rivière apparaît derrière la voie.
« La Strénitza !… le gué !… il faut coûte que coûte atteindre le gué. »
Ainsi, un hasard prodigieux ramène les deux mortels ennemis vers ce cours d’eau où, l’année précédente, Joannès faillit succomber ! Le gué, bordé d’abîmes d’où le jeune homme sortit par un prodige d’énergie et de sang-froid ! Le gué près duquel Nikéa, dont la raison venait de sombrer, chantait de sa voix de démente le chant de Kossovo ! Les chevaux bondissent sur la voie et sautent par-dessus les rails. Quelques coups de feu éclatent. Les balles sifflent. Un cri de douleur retentit.
« Blessé ?… Qui est blessé ? demande Joannès.
— Rien !… ce n’est rien… un bras cassé… moi, Darnia.
« En avant !… en avant !… »
La poursuite continue, acharnée. Mais voici la