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32 LES TYPOGRAPHES.

que la conscience. Enfin c’est samedi, c’est jour de banque. Il est huit heures et demie : la banque est faite ; la conscience a reçu sa quinzaine ; les metteurs ont soldé leurs paquetiers. « Allons prendre une tasse, dit un metteur à un homme de conscience. — Allons ! » répond l’autre. Sans prendre le temps de quitter la blouse de toile blanche percée à l’endroit où l’ouvrier s’appuie sur le marbre, çà et là maculée de larges taches d’encre d’imprimerie, serrée à la taille par une ficelle effilochée qui a déjà servi à lier les paquets, nos deux hommes s’en vont au Petit-Dunkerque ou ailleurs. Ils boivent une tasse ; ils causent politique ; ils s’échauffent ; ils boivent un litre, ils en absorbent un autre, et quand ils songent à aller reprendre leurs paletots, la boîte est fermée. « Eh bien, allons à la Halle ! — Partons. » Les voilà tous deux, les espadrilles aux pieds, dans le costume que nous venons de décrire, attablés chez Baratte ou dans quelque autre cabaret des Halles. Les heures coulent vite, le vin aussi. Le moins ivre songe enfin à rentrer. L’autre veut aller voir les amis (le typographe ne les oublie jamais). « Allons voir les amis, puisque c’est ton idée ; mais lesquels ? — X… est à Caen. — Allons à Caen. » Sans discuter davantage, nos deux typos se rendent à la gare Saint-Lazare, prennent leurs billets pour Caen, et y arrivent le matin… penauds et dégrisés. Les amis leur prêtent les vêtements indispensables. On fait fête, et l’on se… regrise. La banque bue et mangée, on repart…, après avoir repris la blouse et les espadrilles ; on a conservé juste de quoi revenir à Paris. Nos deux voyageurs