Page:Boutmy - Projet d’une faculté libre des sciences politiques.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
− 11 −

s’irrite, glorifie, bafoue, mais ne juge pas et n’agit que par passion. Bourgeois et peuple passent leur vie à échanger des lieux-communs conservateurs contre des lieux-communs révolutionnaires, et cela à une distance infinie de la politique positive, éclairée et sérieuse. Des directeurs intermédiaires de l’opinion, voilà donc ce qui nous manque. Dans cette armée de citoyens, il n’y a rien entre le général et les simples soldats ; peu d’officiers, presque point de sous-officiers. À coup sûr, ce serait une grande et heureuse révolution si la France parvenait à faire essaimer tous les ans deux ou trois mille esprits pourvus de connaissances politiques, ayant un titre pour se faire écouter, et des arguments pour faire comprendre que toutes les questions sont difficiles et la plupart des solutions complexes. L’enseignement organisé pour faire l’éducation de l’homme d’État fournirait au pays, par la même occasion, cette classe moyenne instruite et judicieuse qui est le lest d’une société démocratique. Il y a bien eu, jusqu’ici, une classe moyenne caractérisée par l’instinct conservateur, les manières et la fortune. Mais cette classe n’a jamais tenu son rang, il faut l’avouer, par l’aptitude et les lumières politiques.

De ces réflexions est sorti le programme qu’on va lire. En le rédigeant, on s’est proposé de créer un enseignement des sciences politiques, riche et complet par la composition, européen ou même universel par le