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XVIe siècle.
Pillages.

vinrent et furent à Grenoble le samedi au matin[1]. »

Jamais la Grande Chartreuse ne subit pareil désastre : dans les autres incendies, au moins on sauva, à force de courage et d’adresse, ce qu’il y avait de plus précieux comme objets d’art, cartulaires et manuscrits, mais, en 1562, la maison fut saccagée à loisir et à plaisir ; les livres les plus curieux, les titres les plus rares devinrent la proie des flammes, tout comme les meubles les plus grossiers. Les archives disparurent à ce point qu’Henri III (11 mars 1581), Henri IV (11 octobre 1604) et, un siècle plus tard, Louis XIV (avril 1684) octroyèrent des Lettres patentes dispensant les Chartreux de fournir des titres de possession au delà de cent ans « attendu que leurs anciens titres avaient été détruits par les huguenots[2]. » Les pertes matérielles — moins regrettables parce qu’elles ne sont pas irréparables — devaient être bien grandes, comme on peut en juger par ces détails que donne un chroniqueur du pays et de l’époque. « Lorsque les soldats furent venus de la Chartreuse, vous vistes de grandes richesses à vendre et à bon compte et surtout le plomb et l’estain estoient à bon compte : le plomb valoit six deniers la livre et auparavant il valoit deux sols, et l’estain ne valoit que deux sols la livre et auparavant l’estain vieux valoit trois sols neuf deniers la livre au meilleur compte, dont il y en a qui en soit riches toute leur vie, mais n’en seray

  1. Chorier, loco citato, et Guy Allard, Vie de F. de Beaumont, baron des Adrets, p. 38. Grenoble, Jean-Nicolas, 1675.
  2. Archives du dép. de l’Isère, série B, No 2360, fo 330.