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XIIe siècle. R. P. D. Guigues.

duite même du divin Fondateur de la sainte Église catholique. Jésus, disent les Actes des Apôtres, commença par agir et par enseigner ; ensuite, lorsqu’il eut quitté la terre, le Saint-Esprit inspira aux quatre évangélistes de consigner par écrit ce que Notre-Seigneur avait fait et institué. La primitive Église n’eut d’autre loi dans les premières années que l’enseignement oral ou la tradition ; la lettre — lettre inspirée cependant — ne vint que plus tard, non point détruire la tradition, mais la confirmer, l’accompagner et la compléter. Ainsi en est-il dans l’Ordre des Chartreux : la pratique et l’usage avant la loi, la tradition précède la lettre, l’essai avant la sanction définitive. Bruno vit dix-sept ans de la vie cartusienne sans composer une Règle, et c’est seulement vingt-six ans après sa mort, quarante-trois ans après la naissance de l’Ordre, que nous recevons un code écrit et désormais fixé, car maintenant encore les Statuts ont pour base les Coutumes de Guigues et répètent souvent mot à mot ce qui se trouve dans cette loi primitive. Pour faire comprendre toute notre pensée, nous serions tenté de dire que les Coutumes sont comme l’Évangile cartusien, Guigues est notre Évangéliste, et saint Bruno notre fondateur et notre législateur.

Guigues, prieur d’un petit ermitage perdu dans les neiges des Alpes, pouvait se croire inconnu du monde entier, il se trompait : ses talents, ses vertus, ses ouvrages lui acquirent bientôt malgré lui une grande réputation ; de puissants seigneurs, des Abbés, des Évêques, des Cardinaux, venaient le visiter pour lui demander ses conseils ou entre-