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ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

s’il ne veut dire que des choses vraies, à émettre des paradoxes s’il prétend avancer des choses nouvelles ?

Il semble légitime de faire, à ce propos, une distinction. La plupart des détails de la vie et de l’enseignement de Socrate ont été élucidés, autant sans doute qu’ils peuvent l’être ; mais il est douteux qu’il en soit de même de l’ensemble de la personne et de la doctrine. La comparaison des études contemporaines relatives à Socrate est pour le lecteur un sujet d’étonnement. Veut-on savoir quelle fut la vie de Socrate, quelles furent les causes de sa condamnation, ce qu’était la maïeutique, la doctrine de la vertu ou telle autre partie de la philosophie socratique : tous les auteurs donnent sur ces divers points des réponses à peu près semblables. Demande-t-on ce que fut Socrate, quel fut le fond de son caractère et l’idée maîtresse de son enseignement sur cette question, où aboutissent toutes les autres, les opinions sont contradictoires.

Ainsi, selon Édouard Zeller[1], l’ancienne physique ayant fini par se dissoudre sous l’action de la sophistique, Socrate régénéra la philosophie en la fondant sur un nouveau principe : le général ou le concept, considéré comme l’objet de la science. L’œuvre de Socrate fut ainsi l’invention d’un principe de logique théorique.

Grote, en ses vivantes peintures, nous montre avant tout, dans Socrate, un missionnaire religieux, chargé

  1. Die Philosophie der Griechen, 3° édit., t. II, p. 93-94.