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ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

voulut rendre à ses concitoyens ce qui, à ses yeux, était le principe de toute vertu, la condition première de toute réforme, une foi religieuse, et spécialement la foi à la Providence divine[1].

Enfin, M. Franck, dans un article du Journal des Savants, publié à propos du livre de M. d’Eichthal, admet, en un sens analogue, que Socrate n’était pas seulement un raisonneur et un philosophe, mais encore et surtout une âme profondément religieuse, au sens propre du mot, une âme où la foi en Dieu, l’admiration de ses œuvres, la certitude de son règne dans la nature et de sa providence à l’égard des hommes n’étaient pas exempte de mysticité[2].

Toutes ces interprétations s’appuient d’ailleurs sur des textes de la plus haute valeur. Ainsi, pour nous en tenir aux trois auteurs contemporains qui ont fait sur Socrate les travaux les plus considérables, M. Zeller cite, à l’appui de sa thèse, ce texte si précis d’Aristote[3] où il est dit que Socrate cherche le τί ἐστί, l’essence générale, mais sans considérer cette essence comme existant à part, ainsi que fit Platon. Grote s’inspire de l’Apologie[4], laquelle, en effet, nous présente surtout Socrate comme ayant reçu des dieux la mission de convaincre les hommes de leur ignorance. Enfin, l’expo-

  1. G. d’Eichthal, Socrate et son temps, p. 3.
  2. Journal des savants, oct. 1881, p. 605.
  3. Mét., XIII, 4, 1878 b, 23 sqq.
  4. V. Grote, History of Greece, VIII, 565.