Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/253

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des esclaves : il veut et trouve des êtres libres. Le feu, la lumière, le corps, c’est-à-dire la vie, le bien, et leur union dans un être réel : tels sont les trois principes de la nature divine.

Gardons-nous maintenant d’identifier cette nature avec le vrai Dieu. Si excellente qu’elle soit, la nature divine n’existe ni par elle-même, ni en vue d’elle-même. Elle est la réalisation des perfections que comprenait l’idée de la sagesse. Elle est la vierge éternelle, descendue, à la voix de Dieu, des limbes du possible dans le paradis de l’existence actuelle. La nature va maintenant rendre grâces à son auteur en lui communiquant sa vie et son existence corporelle. La vierge éternelle, fécondée par l’esprit, enfante désormais ; et le fruit de ses entrailles est le Dieu personne, c’est-à-dire le Dieu qui non seulement se connaît lui-même et se possède, mais se répand en dehors de soi par l’amour et par l’action. Tandis qu’il plaçait devant lui, comme un miroir de sa volonté infinie, la sagesse éternelle ou idée de la divinité, Dieu ne se posait que comme trinité idéale, comme personnalité possible. En se donnant dans la nature un contraire vivant, et en pliant ce contraire aux lois de sa volonté bonne, Dieu s’engage dans une différenciation non plus idéale, mais réelle, et par là conquiert la personnalité effective, celle de la trinité chrétienne. La connaissance de soi ne confère que l’existence pour soi : seule l’action engendre l’existence absolue et achève la personnalité.