Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/283

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Babel du monde chrétien. Erreur aussi de croire que la foi nous sauve en tant que, grâce à elle, les mérites du Christ nous seraient appliqués du dehors, comme une forme nouvelle peut être donnée à une matière passive. Une telle opération ne changerait pas le fond de l’âme, ne serait pas une seconde naissance. La foi ne saurait nous sauver par une opération théurgique enchaînant à notre profit la justice divine : elle ne nous sauve que par la grâce sanctifiante qu’elle porte en elle, et qui engendre en nous, du dedans, la pénitence et le Christ rédempteur. Justification est sanctification. Ce n’est pas l’objet de la foi qui nous régénère, c’est la foi elle-même.

C’est pourquoi nul moyen particulier de régénération n’est efficace si la foi n’en est l’âme. La vraie prière n’est pas la demande passive de l’assistance divine, c’est l’acte d’humilité de la volonté qui reconnaît son indigence et qui va à Dieu comme à sa nourriture ; c’est l’âme appelant et recevant la grâce sanctifiante. La vraie prédication n’est pas l’enseignement donné spécialement par le prêtre ou même par la Bible. Toute créature enseigne le fidèle qui voit et entend avec l’esprit. Les sacrements ne sont pas des secours qui surviennent à l’homme sans qu’il y mette du sien. Le vrai sacrement est la grâce divine descendant vers l’âme : l’âme ne se l’approprie que par la foi. Et la régénération, objet de la prière, de la prédication et des sacrements, n’est pas une nature nouvelle se greffant sur l’ancienne c’est, au fond de la