Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/288

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Nul doute que ce ne soit tout d’abord une doctrine religieuse ; et il est naturel que Boehme compte surtout des disciples parmi les théologiens. Mais serait-il légitime de s’en tenir à la lettre de la doctrine pour juger celui qui ne cessa de répéter que la vérité est dans l’esprit, non dans la lettre, et que le propre de l’esprit, c’est d’être à tout jamais inexprimable ? Évidemment, par cette seule théorie, Boehme rejette déjà au second plan la religion proprement dite, inconcevable sans quelque révélation donnée, sans quelque fait positif, pour placer au premier la philosophie, ou, si l’on veut, la religion en tant qu’elle se confond avec la philosophie. Et en effet, pour qui lit les œuvres de Boehme ainsi que lui-même nous prescrit de les lire, en y cherchant le sens spirituel sous les figures sensibles et intellectuelles, les doctrines d’un caractère philosophique transparaissent à chaque pas sous ses effusions religieuses.

Les mystères théologiques de la Trinité, de la chute, de la Rédemption, sont à coup sûr les sollicitations qui l’excitent à réfléchir. Mais sous ces mystères il voit le problème de la conciliation du fini et du mal, comme réalités positives, avec l’infinie personnalité comme source première et unique de l’être. Et la manière dont il résout ce problème est certainement une métaphysique sous l’enveloppe d’une théologie. Du fini et du mal dont nos sens constatent l’existence, sont distinguées les conditions suprasensibles de la nature finie et de l’action mauvaise ; et ces conditions sont