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plusieurs œuvres philosophiques de Hume avait paru à Amsterdam dès l’an 1760. Une autre parut à Londres en 1788. La Théorie des sentiments moraux d’Adam Smith, de 1759, fut traduite en français en 1764 et retraduite en 1798 par Mme de Condorcet, qui, à l’école de son auteur, s’efforça d’approfondir la nature de la sympathie morale. Un examen minutieux des idées en France au xviiie siècle y ferait une large part au commerce avec l’Écosse. Toutefois, ce n’étaient là que des influences isolées : et la métaphysique écossaise proprement dite, celle de Reid, demeurait inconnue. C’est au commencement de ce siècle que la philosophie écossaise, prise dans son ensemble, est transportée en France et s’y incorpore à la philosophie nationale. N’y eut-il là qu’une influence fortuite, ou l’action de la philosophie écossaise s’explique-t-elle par les conditions où se trouvait alors la philosophie française ?

La fin du xviiie siècle, en matière de philosophie, était loin, en France même, d’avoir été infructueuse. Elle avait produit les travaux des idéologues. Ces savants étaient les héritiers de Condillac, et, comme lui, cherchaient à déduire logiquement nos idées de ce qui, chronologiquement, en est le point de départ. Mais, tandis que Condillac prenait pour principe un fait proprement psychique, la sensation, fait qu’il s’appliquait à transformer suivant une méthode analogue à l’analyse algébrique, les idéologues cherchaient la cause des phénomènes psychiques dans les conditions physiologiques