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87. Comme nous avons établi ci-dessus une Harmonie parfaite entre deux Règnes naturels, l’un des causes Efficientes, l’autre des Finales, nous devons remarquer ici encore une autre harmonie entre le règne Physique de la Nature et le règne Moral de la Grâce[1], c’est-à-dire, entre Dieu considéré comme Architecte de la Machine de l’univers, et Dieu considéré comme Monarque de la Cité divine des Esprits (§ 62, 74, 118, 248, 112, 130, 247).

88. Cette Harmonie fait que les choses conduisent à la Grâce par les voies mêmes de la Nature, et que ce globe par exemple doit être détruit et réparé par les voies naturelles dans les moments que le demande le gouvernement des Esprits pour le châtiment des uns, et la récompense des autres (§ 18 sqq., 110, 244-245, 340).

89. On peut dire encore, que Dieu comme Architecte contente en tout Dieu, comme législateur ; et qu’ainsi les péchés doivent porter leur peine avec eux par l’ordre de la nature ; et en vertu même de la structure mécanique des choses ; et que de même les belles actions s’attireront leurs récompenses par des voies machinales par rapport aux corps ; quoique cela ne puisse et ne doive pas arriver toujours sur-le-champ.

  1. Leibnitz applique ici son principe de continuité aux rapports du naturel avec le surnaturel, et trouve le moyen de réconcilier la nature et la grâce en remontant au principe suprême de l’une et de l’autre. Bien que nous lisions ici que l’harmonie de la nature et de la grâce est autre que l’harmonie des causes efficientes et des causes finales, il n’en reste pas moins, selon les propres expressions du philosophe, qu’il y a analogie entre ces deux harmonies ; et il est permis de supposer que le règne de la grâce n’est autre chose, au fond, que la plus haute réalisation du règne des causes finales lui-même, comme le règne de la nature est constitué essentiellement par l’action prépondérante des causes efficientes. C’est donc, semble-t-il, l’harmonie des causes efficientes et des causes finales elles-mêmes qui se retrouve, en définitive, dans l’harmonie de la nature et de la grâce.