Page:Boutroux - Pascal.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jésuites soient effectivement assez habiles pour ôter la malice de tous les péchés, et il exprime ses doutes. Avec une obligeance et un à-propos qui ne se démentent jamais, le bon Père répond à chaque question par le texte approprié, décisif, prouvant de façon évidente que la Société n’a pas été calomniée. Montalte s’émerveille ; par une progression insensible, il induit l’imprudent apologiste à citer des affirmations de plus en plus éhontées, jusqu’à ce qu’enfin le jeu cesse, pour faire place à une lutte terrible.

Dès la cinquième lettre, Pascal vise l’ennemi au cœur. Alors que le Dieu des chrétiens ne reconnaît comme ses serviteurs que les hommes humbles et d’intention pure, dégagés des ambitions terrestres, les jésuites se sont avisés de prétendre qu’il importe au bien de la religion que leur crédit s’étende partout, et qu’ils gouvernent toutes les consciences. C’est sur leur empire qu’ils mesurent celui de Dieu. Or pour séduire les hommes et les ranger sous leur domination, ils leur persuadent que Dieu ne leur demande que des vertus humaines et naturelles ils ravalent notre devoir à notre pouvoir, à notre faiblesse, à notre lâcheté. Ils font fléchir la règle pour l’ajuster au sujet qui doit lui être conforme ; ils corrompent la loi pour qu’elle convienne à notre corruption. Et ainsi, ils diversifient les préceptes, les faisant à volonté sévères ou faciles, païens ou chrétiens, selon les personnes qu’il s’agit de gagner. Tel est l’esprit de la Société, tel est le principe des nouveautés qu’ils ont introduites. Entre leurs mains, la religion est devenue une politique, la morale une casuistique.