Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/135

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derniers, plusieurs meurent sans acquitter leurs dettes. Aussi les moines ont-ils soin de déclamer contre un pareil abus. Pour y remédier autant qu’il étoit possible, ils ont passé un concordat avec les mauvais anges, par lequel ceux-ci s’obligent à se saisir de tous ceux qui n’auroient pas payé les droits avant leur mort. Les moines ont rendu public ce traité, & prennent soin d’en renouveler très-souvent le souvenir. Cette alliance, qu’ils ont contractée avec les esprits infernaux, avoit tellement frappé quelques nazaréens, qu’ils ne pouvoient se résoudre à mourir, quoiqu’ils eussent acquitté les droits.

Ils craignoient toujours que les diables ne leur cherchassent quelque chicane. Pour calmer leur frayeur, quelques docteurs nazaréens trouverent l’invention de leur expédier un récépissé qui serviroit de passe-avant. Ils imposerent un léger droit sur cet acquit ; ce qui augmenta leurs revenus, par la précaution que prirent bien des gens de s’en munir avant leur départ pour l’autre monde. Ces passe-ports me rappellent certaines sentences de l’Alcoran, quelques Turcs superstitieux font enterrer avec eux. Ils ne doutent pas que leur prophête ne leur tienne compte d’une action si pieuse.