Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/139

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celles qui sont prêtes à l’être à la premiere occasion. S’ils vouloient vérifier l’état des finances, les fonds qui les produisent, l’arrangement qu’on prend pour lever les subsides, on leur ouvriroit des coffres remplis d’indulgences, de bulles, & de nominations aux bénéfices. S’ils étoient curieux de sçavoir les récompenses qu’on donne aux citoyens qui se distinguent, & les statues qu’on leur élève ; on leur montreroit des chapelets, des agnus & des reliquaires bénis par le pontife.

S’ils s’informoient des couronnes triomphales, on leur porteroit des mitres & des calottes rouges. S’ils demandoient à voir les rois de Bithynie, de Comagene, d’Arménie, du Pont & tant d’autres souverains assidus courtisans du moindre des sénateurs, on leur présenteroit le prétendant & ses deux fils. Et si leur curiosité s’étendoit jusqu’à sçavoir les princes qu’on a vaincus, on leur raconteroit l’assassinat de Henri IV, & celui de son prédécesseur.

Crois-tu, mon cher Aaron, que ces hommes illustres, pleins de l’ancienne grandeur de leur patrie, en voyant son avilissement fussent moins surpris que nous ne le sommes des nouveautés que nous appercevons ? Je crois qu’ils le seroient davantage : & César auroit plus de peine à