Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ayant formé plusieurs différentes sectes se virent réduits à la nécessité de plaire à leurs lecteurs. Pour se les rendre favorables, ils voulurent imiter les grands modeles ; & le langage de Cicéron & de Virgile revint en usage. Peu après, la maniere de raisonner changea de face, ainsi qu’en avoit changé la diction.

Si le nazaréisme n’eût jamais été troublé par des divisions intestines, peut-être écriroit-on encore aujourd’hui d’une maniere aussi confuse que du tems de Thomas d’Aquin. Il ne paroît pas que les docteurs nazaréens, qui vinrent plusieurs années après lui, eussent beaucoup perfectionné le goût, & avancé dans le bon chemin. Il semble au contraire, que quelques-uns s’en éloignent encore plus. Raimond Jordan, qui vivoit dans le XIV. siecle, & qui n’a donné ses écrits que sous le nom d’Idiota, les a remplis d’antitheses affectées, & son style est beaucoup plus vicieux que celui d’Augustin. Il court sans cesse après des pensées plutôt puériles que brillantes. Le portrait qu’il fait de l’amour divin semble être écrit par quelque bon capucin de village.

L’amour, dit-il, raccommode les choses rompues. Il rend constans les esprits volages. L’amour apprend. L’amour ne connoît