Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/209

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J’ai compris que leurs mœurs & leurs façons de vivre les avoit préservés de ces défauts. Ils ont peu de commerce entr’eux, si ce n’est pour les affaires de leurs charges & de leurs emplois. On ne voit point chez eux des maisons destinées à la retraite d’illustres fainéans. Ils ignorent l’art de passer une partie de la journée renfermés dans une assemblée à se communiquer mutuellement les aventures qui sont arrivées la veille. Lorsqu’ils vont aux cafés, qui sont les seuls endroits publics, ils y boivent du sorbet ou d’autres liqueurs qui leur sont permises. Quelquefois, mais rarement, ils jouent une partie aux dames ou au mangala [1] : le tout dans un silence étonnant, & se retirent bientôt après chez eux.

L’impossibilité de voir les femmes est encore une raison décisive du peu de médisance, qui regne à Constantinople.

Les dames en Europe sont les principaux mobiles de la calomnie. La haine, la jalousie, l’ambition, l’envie de plaire : toutes ces passions les font agir, ou contre leurs rivales, ou contre les personnes qui peuvent être contraires à leurs désirs. Il leur est aisé d’entraîner un grand nombre de petits-maîtres, zélés

  1. Jeu Turc qui se joue avec de petites coquilles.